nomes des ouvriers parisiens.
Les militants babouvistes sont recrutés dans des milieux
très divers : ce sont des intellectuels qui ont partagé constam-
ment les souffrances et les luttes des divers couches exploitées :
(31) Maurice Dommanget : Babeuf et la Conjuration des Egaux. Lib. de
- L'Humanité », Paris, 1922.
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Babeuf et Sylvain Maréchal, des hommes riches, mais généreux
et sincèrement démocrates (Lepelletier et Antonelle ou Ber-
trand : riche manufacturier lyonnais), d'ex-fonctionnaires révo-
lutionnaires de la grande époque : Darthé, Buonarroti, Javo-
gues, etc... Les ouvriers ne se trouvent que dans les cadres infé-
rieurs; Didier, l'homme de confiance, ancien teinturier puis
serrurier depuis Termidor, Armonville, l'agitateur rémois, ou-
vrier cardeur, qui durant son mandat à la Convention dut vivre
du travail de sa femme, Ménessier ancien jardinier, Moroy,
Guillem, tous trois agents actifs dans les arrondissenients pari-
siens. Et même parmi ces cadres inférieurs, les ouvriers ne
sont qu'une minorité. On voit donc, que l'élaboration de la doc-
trine est surtout l'ouvre de membres des classes moyennes.
Ils connaissent certes les aspirations des exploités; ils ont de
plus, une solide instruction et une expérience précieuse qui
leur permettent de s'élever au-dessus des préoccupations immé-
diates, 'ils sont, enfin, en contact avec les dirigeants des pré-
cédents mouvements plébéiens, avec des militants ouvriers,
actifs et conscients. Moroy, dans ses lettres à Babeuf, déclare ::
« la classe ouvrière est la plus précieuse de la société » (32).
Mais, ces contacts sont insuffisants, et en définitive, la liaison.
entre les dirigeants révolutionnaires et les couches exploitées.
est encore imparfaite. A cette époque, où ces couches sont
encore mal délimitées, c'est un phénomène tout à fait naturel
et déjà, le simple fait qu'un lien profond ait existé prend une
valeur essentielle : c'est la matérialisation des aspirations de
la classe ouvrière vers sa libération totale.
Cet aspect de la liaison entre les babouvistes et les bras nus.
ne rend compte que d'une partie de la réalité. Les lettres en-
thousiastes reçues des départements (Mont-Blanc, Manche, Pas-
Cle-Calais, etc...), l'argent expédié de diverses régions (33), les
rapports de police d'avril 1796, signalant les rassemblements
autour des placards babouvistes, montrent que l'influence des
Egaux a largement dépassé Paris et qu'ils ont su exprimer
égaleinent les revendications de paysans, et d'artisans des
petites villes. Si l'on voit, ainsi, que le lien a plus de fibres que
l'on ne supposait, des renseignements plus précis sur l'attitude
babouviste ne le supposait, des renseignements plus précis sur
l'attitude babouviste à Paris même, font ressortir l'insuffisance
de sa qualité. En avril 96, les sans-culottes parisiens étaient tout
à fait sceptiques à l'égard des politiciens. Les rapports de police
indiquent : « le peuple n’est occupé que de ses moyens de sub-
sistance » (34). Comme conclut Daniel Guérin : « la fermenta-
tion populaire était entièrement apolitique; elle prit la forme
d'une lutte purement économique ». Les grèves sont en effet
nombreuses, or c'est le monient où les Egaux masquent leur