traits rétrogrades de la structure économique et sociale ; Par-
lement et gouvernement, au lieu d'être en dernière analyse
les instances de rationalisation et de coordination chargées
de faire prévaloir les intérêts généraux du capitalisme sur les
intérêts particuliers de telle ou telle fraction bourgeoise ou
petite bourgeoise, sont devenus presque exclusivement les
instruments de ces intérêts particuliers. L'absence d'un grand
parti réformiste, le morcellement de la représentation politi-
que des couches salariées entre la SFIO et le PC a, à son
tour, puissamment favorisé cette situation ; aucune pression
politique réformiste n'obligeait la bourgeoisie à se discipliner
et sa représentation politique à se grouper au sein d'un
grand parti conservateur. La moitié d'une « opposition »
parlementaire, le PC, étant exclue du jeu, les politiciens bour-
(4) En 1955, la proportion de la population active civile dans l'agri-
culture était de 27 %; on peut comparer ce pourcentage avec celui de
pays dont la production agricole est relativement de loin supérieure à
celle de la France, comme le Danemark (24 %), le Canada (20 %), les
Pays-Bas (13 %) pour ne pas parler des Etats-Unis (11 %) v. le Bulletin
de Statistiques générales de l'O.E.C.E., septembre 1957, p. 52.
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SOCIALISME OU BARBARIE
geois et « socialistes » ont pu, sans risque électoral, se plon-
ger dans les combines jusqu'au cou.
Cette situation s'est répercutée sur l'appareil d'Etat, lui-
même colonisé par les diverses fractions économiques et poli-
tiques. Les problèmes créés par cette colonisation ne faisaient
qu'aggraver ceux que posait le besoin urgent d'une rénovation
de cet appareil. Les nécessités de gestion centrale d'une éco-
nomie moderne, dont l'Etat est à la fois le pivot et l'unité la
plus importante, sont en effet devenues incompatibles avec la
structure actuelle de l'Etat français, démodé, incohérent, con-
tradictoire, noyé dans une réglementation qui ne pose jamais
un principe sans lui opposer aussitôt quatre exceptions cha:
cune assortie de seize restrictions. Elles sont tout particuliè-
rement incompatibles avec la structure antédiluvienne des
finances publiques et des institutions économiques centrales,
une taxation basée essentiellement sur les impôts indirects,
l'exemption fiscale accordée en pratique aux revenus élevés,
une système de crédit extrêmement moderne sous Napo-
léon III, une banque centrale dont le gouverneur est menta-
lement contemporain de Jean-Baptiste Say.
Dans ces conditions, le capitalisme français depuis 1945
n'a pu élaborer et appliquer aucune politique cohérente aux
problèmes graves qui l'affrontaient, et au plus grave d'entre
tous, au problème du sort de son ancien empire colonial.
Le même type de contradiction que celui défini plus haut
à propos de l'économie, de la politique, etc., se présente aussi
dans ce domaine. Aussi bien, sur le plan économique, les
conditions modernes d'exploitation capitaliste, que, sur le
plan politique, le réveil des peuples coloniaux sont désor-
mais incompatibles avec le maintien des structures coloniales
du xixe siècle. Celles-ci, même si elles se traduisent par des
profits essentiels pour tel ou tel groupe capitaliste, signifient