tous les ouvriers, de faire une solidarité ouvrière, j'ai essayé de
participer au P.C. Et puis je me suis renseigné, j'ai activé, j'allais
aux manifestations, quand il y avait une manifestation j'y allais.
Vraiment, je m'accordais avec ce patron, je m'accordais énormé-
ment avec lui. Je me rappelle, j'allais aux manifestations, j'étais
le premier à manifester. Et par exemple à la Colonne Varonne,
quand on donnait des fêtes communistes, j'y allais.
Au bal
J'y allais, mais je ne savais pas danser.
Alors ce que je trouvais de bizarre c'est que là j'ai appris à
danser et quand je dansais là, on était en somme tous des ouvriers :
je dansais et les filles ne refusaient pas. Et puis, un beau jour,
j'ai été danser à Saint-Eugène, parce que, à Saint-Eugène, là-bas,
on donnait des bals vraiment bien. J'arrive donc au bal, je demande
à danser. J'étais habillé convenablement, quoi, et personne ne
voulait danser avec moi, aucune fille ne voulait danser avec moi.
Alors c'est quoi ? Je leur plais pas ? Et je me suis rendu compte
que ce n'était pas ça. C'est que j'étais Algérien, j'étais Arabe. Et en
plus de ça, j'étais dans un coin bourgeois. Alors j'ai dit : « ça va,
j'ai compris, je ne fréquente plus Saint-Eugène. »
Les filles, elles étaient françaises ou algériennes ?
C'était des filles françaises, oui. Il y avait aussi de Arabes
qui allaient danser là-dedans, comme par exemple la famille N.,
que je connaissais d'ailleurs. C'était des Arabes, mais des Arabes
corrompus, qui faisaient la même vie que les familles françaises,
les familles françaises bourgeoises, quoi. C'était des Arabes, mais
corrompus. Alors, eux, dansaient, eux avaient tout ce qu'ils vou-
laient. Mais quand il s'agissait d'un ouvrier arabe, par exemple
comme moi, alors tintin, des clous, rien du tout. Ils savaient qui
j'étais, que j'étais un ouvrier et tout ce qui s'ensuit et ils ne
voulaient pas admettre ça. D'ailleurs je me le demandais à maintes
et maintes reprises, je regardais même si ma chemise était propre,
pour voir si ce n'était pas pour ça. Et puis après je me suis aperçu
que ce n'était pas pour ça, non, que c'était le coin bourgeois
et qu'il fallait pas compter dessus pour danser.
23
Encore sur le P. C.
- Tu m'as dit que ton deuxième patron était du P.C., qu'il
était communiste.
Ah ! il était communiste, oh là ! De la manière qu'il
m'avait payé, que je gagnais huit francs et qu'il m'avait donné
trente-deux francs et qu'il me disait : « Tu vois, tu fais mon
affaire. » Et puis quand il y eut la grève qu'il m'avait dit qu'il ne
faut pas travailler et qu'il me payerait les journées...
C'était en quelle année cette grève générale ?
C'était en 37, en fin 37. Donc j'ai travaillé chez lui jus-
qu'en 39. Il me donnait, par exemple, un travail et il me disait :
« Voilà, tu as deux jours pour le faire, si tu le fais en un jour
et demi, eh bien, tu gagnes une demi-journée. » Alors moi j'acti-
vais, ça fait que dans la semaine j'arrivais à me faire une journée
en plus. J'étais vraiment heureux. Quand il a été appelé pour
faire sa période de 21 jours, c'est moi qui dirigeais l'atelier.
J'étais tout seul. Sa pauvre mère venait et elle me disait : « Tout
va bien ? » Je lui disais : « Oui, tout va bien, je fais tout le tra-